Commentaire de bibliographies du service

Association entre analgésie péridurale pendant le travail obstétrical et risque de trouble autistique

Association Between Epidural Analgesia During Labor and Risk of Autism Spectrum Disorders in Offspring.

Qiu C, Lin JC, Shi JM, Chow T, Desai VN, Nguyen VT, Riewerts RJ, Feldman RK, Segal S, Xiang AH

JAMA pediatrics, 1 décembre 2020, volume 174, pages 1168-1175

Commentaire, Abstract

Commentaire

Par Pauline Roiné (interne DESAR) et le Pr Dan Benhamou

Introduction

L’analgésie péridurale (APD) est l’anesthésie loco-régionale la plus utilisée chez la femme enceinte en travail. Bien que l’efficacité de l’APD ainsi que sa sureté pour le fœtus et le nouveau-né aient bien étés documentés, les effets à long terme sur les enfants sont peu connus.

Des études limitées en toxicologie sur l’animal notamment, ont montré que des anesthésiques locaux aux doses habituellement utilisées pourraient être à l’origine d’effets neurotoxiques et altérer le développement comportemental normal de l’enfant. Une étude récente observationnelle a retrouvé également une augmentation de 50% du risque de développer un trouble autistique lorsqu’une anesthésie générale avait été réalisée pour une césarienne versus un accouchement voie basse.

Cette étude de cohorte rétrospective monocentrique avait donc pour but d’évaluer l’association de la survenue d’un trouble autistique après l’exposition à une APD. Il était également évalué le rôle que la fièvre maternelle pouvait jouer dans cette association. 

Matériels et méthodes

Les dossiers de 147 895 enfants nés entre 2008 et 2015 par voie basse au KPSC hospital (Californie) entre 28 et 44 semaines d’âge gestationnel ont été analysés de façon rétrospective.

La variable d’exposition étudiée était une APD mise en place durant le travail ou la délivrance. La durée d’exposition était définie comme la durée entre l’heure de la pose et l’heure de la délivrance. La fièvre relative à l’APD était définie comme une température ≥ à 38°C survenue après la pose de l’APD et avant l’accouchement. 

Le critère de jugement principal était le diagnostic d’un trouble autistique selon le code 299.x de la CIM ou un code équivalent du KPSC. Ces codes comprenaient les désordres autistiques, le syndrome d’Asperger, les troubles neurodéveloppementaux généralisés et excluaient les troubles désintégratifs de l’enfance ainsi que le syndrome de Rett. 

Les covariables prises en compte comme facteurs possibles de confusion dans les analyses multivariées (modèle de Cox) étaient nombreuses comme par exemple les caractéristiques socio-démographiques maternelles, le lieu d’accouchement, les comorbidités maternelles, la notion d’obésité, de diabète, de prééclampsie ou d’éclampsie, le tabagisme pendant la grossesse ainsi que les caractéristiques du nouveau-né.

Résultats

109 719 (74 %) enfants de la cohorte ont été exposés à une APD. Les caractéristiques des deux groupes différaient pour toutes les covariables étudiées, hormis le sexe de l’enfant. Dans le groupe APD, le taux de fièvre pendant le travail était plus élevé que dans le groupe sans APD (11.9% vs 1.3%; P < .001).

Environ 30 % des femmes ont été exposées à une APD pendant moins de 4 heures, 46 % entre 4 et 8 heures et 25 % plus de 8 heures. La proportion de patients avec fièvre en rapport avec la péridurale augmentait avec la durée d’exposition.

Au total 2524 enfants ont été diagnostiqués comme ayant un trouble du spectre autistique : 1.9% dans le groupe exposé et 1.3% dans le groupe non exposé à une APD.

Parmi les enfants nés de mère ayant reçu une péridurale, la durée de la péridurale était de moins de 4 heures dans 1.6% des cas, entre 4 et 8 heures pour 1.8% des cas et plus de 8 heures pour 2.2% des cas. Un lien entre la réalisation d’une péridurale et la survenue d’autisme (HR ratio 1,37) était retrouvé.

Le risque augmentait avec la durée d’exposition à l’APD mais de façon très modeste.

La survenue d’une fièvre n’était pas associée à la survenue d’un trouble autistique.

Discussion

Cette large cohorte multi-ethnique a donc trouvé que l’exposition à une APD était associée à une augmentation du risque de 37 % de développer un trouble autistique chez l’enfant après ajustement sur de nombreux facteurs de confusion. L’augmentation de la durée d’exposition était corrélée à risque plus élevé.

De par leur bas poids moléculaire, les agents anesthésiques locaux peuvent franchir le placenta et être redistribués chez le foetus où ils pourraient avoir des effets toxiques notamment sur la synaptogénèse, la neurogénèse et l’apoptose neuronale. L’APD pourrait par ailleurs modifier l’immunité maternelle entrainant un déséquilibre entre molécules pro et anti-inflammatoires pouvant aboutir à une neuro-inflammation cérébrale chez le fœtus. 

Cette étude comporte cependant de nombreuses limites et ses résultats ne doivent pas aujourd’hui faire changer les pratiques ainsi que le préconisent de très nombreuses sociétés savantes (Anesthésie, Obstétrique et Pédiatrie) dans plusieurs pays (USA, Canada, Royaume Uni, France). Ces sociétés savantes rappellent aussi que la découverte d’une association statistique ne doit pas être confondue avec un lien de causalité. IL s’agit une étude de cohorte rétrospective multicentrique, donc de faible niveau de preuve. Il existe de nombreux facteurs confondants qui n’ont pas été pris en compte dans cette analyse notamment l’exposition pré-natale à des toxiques, la présence d’une infection maternelle bactérienne ou virale lors de la grossesse, le score d’Apgar à la naissance, les données paternelles, les anomalies génétiques ou chromosomiques…. et d’autres facteurs associés non encore découverts.

Conclusion

L’ADP est associée à une augmentation du risque de développer un trouble du spectre autistique sans qu’il n’existe de relation causale démontrée. Le rapport bénéfice-risque reste très en faveur de l’APD qui reste le moyen le plus sûr et le plus efficace pour le contrôle de la douleur chez la femme enceinte en travail. Des études ultérieures de plus haut niveau de preuve sont nécessaires pour confirmer ou infirmer ces résultats. 

Abstract

Importance: Although the safety of labor epidural analgesia (LEA) for neonates has been well documented, the long-term health effects of LEA on offspring remain to be investigated.

Objective: To assess the association between maternal LEA exposure and risk of autism spectrum disorders (ASDs) in offspring.

Design, Setting, and Participants: Data for this retrospective longitudinal birth cohort study were derived from electronic medical records from a population-based clinical birth cohort. A total of 147 895 singleton children delivered vaginally between January 1, 2008, and December 31, 2015, in a single integrated health care system were included. Children were followed up from the age of 1 year until the first date of the following occurrences: clinical diagnosis of ASD, last date of health plan enrollment, death, or the study end date of December 31, 2018.

Exposures: Use and duration of LEA.

Main Outcomes and Measures: The main outcome was clinical diagnosis of ASD. Cox proportional hazards regression analysis was used to estimate the hazard ratio (HR) of ASD associated with LEA exposure.

Results: Among the cohort of 147 895 singleton children (74 425 boys [50.3%]; mean [SD] gestational age at delivery, 38.9 [1.5] weeks), 109 719 (74.2%) were exposed to maternal LEA. Fever during labor was observed in 13 055 mothers (11.9%) in the LEA group and 510 of 38 176 mothers (1.3%) in the non-LEA group. Autism spectrum disorders were diagnosed in 2039 children (1.9%) in the LEA group and 485 children (1.3%) in the non-LEA group. After adjusting for potential confounders, including birth year, medical center, maternal age at delivery, parity, race/ethnicity, educational level, household income, history of comorbidity, diabetes during pregnancy, smoking during pregnancy, preeclampsia or eclampsia, prepregnancy body mass index, gestational weight gain, gestational age at delivery, and birth weight, the HR associated with LEA vs non-LEA exposure was 1.37 (95% CI, 1.23-1.53). Relative to the unexposed group, the adjusted HR associated with LEA exposure of less than 4 hours was 1.33 (95% CI, 1.17-1.53), with LEA exposure of 4 to 8 hours was 1.35 (95% CI, 1.20-1.53), and with LEA exposure of more than 8 hours was 1.46 (95% CI, 1.27-1.69). Within the LEA group, there was a significant trend of ASD risk associated with increasing duration of LEA exposure after adjusting for covariates (HR for linear trend, 1.05 [95% CI, 1.01-1.09] per 4 hours). Adding fever to the model did not change the HR estimate associated with LEA exposure (adjusted HR for LEA vs non-LEA, 1.37 [95% CI, 1.22-1.53]).

Conclusions and Relevance: This study suggests that maternal LEA may be associated with increased ASD risk in children. The risk appears to not be directly associated with epidural-related maternal fever.

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